TIM BURTON
En quoi Dumbo vous a t-il fait rêver et en quoi croyez-vous qu'il fasse rêver les nouvelles générations ?
« Pour moi le symbole de cet éléphant volant c'est d'abord une très belle métaphore de la façon dont on peut se sentir lorsque l'on est particulier, et c'est aussi pour moi une histoire plus personnelle. L'histoire d'un personnage un peu étrange, qui n'a pas l'air de vraiment rentrer dans le moule, que l'on a du mal à définir. Cela ressemble à un autre niveau à mon histoire personnelle avec Disney, une histoire longue et belle. Je me suis aussi servi de cette proximité avec mon expérience. Enfin, je célèbre comme toujours la beauté d'être différent et évidemment la beauté d'être accepté par les autres. »
Avez-vous lu le livre Dumbo the Flying Elephant d'Helen Aberson et quel source d'inspiration a t-il été pour l'écriture du scénario ?
« Non, pour moi ce qui m'intéressait c'était la beauté et la simplicité de cette image que véhiculent tous les anciens films Disney. J'aime cette façon de parler comme une fable. Ce qui est important pour moi c'est l'inspiration visuelle. »
Quelles scènes du film avez-vous préféré tourner ?
« C'est un film assez étrange à tourner parce qu'il y a ces décors extraordinaires, ces acteurs, ces équipes, mais il manque quand même le personnage principal. En tournant ce film je voulais à la fois le rendre différent de l'original mais en même temps en garder toute son émotion. L'idée n'était pas pour moi de faire un remake mais une exploration différente. »
Eva avez-vous fait quelques recherches sur le travail de Tim Burton avant de tourner le film ?
« Je connaissais déjà le cinéma de Tim (Eva a joué dans Dark Shadows ainsi que dans Miss Peregrine et les Enfants Particuliers). Je ne vois pas de personnage qui soit ressemblant à Colette. »
Tim, est-ce que vous avez choisi ce thème et ce film Dumbo par qu'il est un écho à ce qu'a pu être votre oeuvre, les différences des personnages ayant ce qui a composé vos films jusqu'à maintenant ?
« Il est vrai que pour moi la raison principale de mon attirance pour Dumbo c'est finalement une ressemblance extrême avec qui je suis. A un moment c'est la risée de tous, c'est un personnage bizarre mais en même temps si particulier et spécial. Je suis très proche de ce que représente Dumbo dans le sentiment qu'il éveille. C'est pour cela que je voulais faire ce film. J'aime aborder un sujet qui me parle, auquel je suis profondément et intimement attaché. »
Vos films sont connus pour leur univers mystérieux et sombre. D'un autre côté les films Disney sont connus pour leur magie, les contes de fées, les fins heureuses. Comment avez-vous réussi à combiner ces deux mondes qui semblent si différents ?
« C'est intéressant de voir comment les temps ont changé car les films Disney nous permettaient d'aborder en tant qu'enfant les thèmes de la mort, de la vie, de la tristesse, que l'on a du mal à comprendre à cet âge. Il y a eu Dumbo mais aussi Pinocchio. Finalement de quoi se souvient-on le plus souvent, des parties les plus effrayantes, les plus tristes, donc pour moi il n'y a finalement pas de différence entre les deux mondes. »
Etait-il important d'inclure une dimension militante sur le fait que les animaux devraient vivre en liberté et non pas dans un cirque, ce qui n'était pas le cas dans le dessin animé original ?
« Bizarrement je n'ai jamais particulièrement aimé le cirque, je trouvais les clowns terrifiants ainsi que les bêtes sauvages maintenues en captivité. En même temps le cirque est cet endroit un peu étrange où se regroupent les artistes, les reclus, les marginaux. C'est ce qui m'attirait dans l'univers du cirque. Je suis néanmoins ravi qu'il y ait moins de bêtes sauvages en captivité dans les cirques. Dans mon film, on a utilisé des chiens et des chevaux mais pas d'animaux sauvages en captivité. »
Vous avez développé autour de Dumbo beaucoup de personnages avec de grands acteurs dont Eva Green, Michael Keaton, Danny DeVito ou même Colin Farrell. Etait-il compliqué de trouver une place pour chacun en regard de leur histoire très riche ?
« L'univers que je crée est forcément un peu stylisé. Vous avez par exemple un éléphant qui est réel mais qui ne l'est pas vraiment et vous avez des acteurs qui doivent interférer avec lui. Ce que j'aime c'est avoir autour de moi des gens un peu bizarres qui vont être en osmose avec un animal un peu bizarre. J'ai eu beaucoup de chance car j'ai réuni une troupe de gens extraordinaires et un peu barrés. J'ai été heureux de retrouver Michael Keaton avec qui j'ai travaillé il y a de nombreuses années ainsi que Danny DeVito. Et avec Colin Farrell c'est comme si on se connaissait depuis toujours. J'aimais l'idée que tout ce monde constitue une famille un peu dysfonctionnelle et c'était très important pour le film lui-même. J'ai été ravis que tous ces fous aillent avec moi jusqu'au bout de ma propre vision. »
Doit-on voir dans Dumbo le regret d'un réalisateur qui aurait aimé partager la vie itinérante et aventureuse des gens du spectacle ?
« Je n'ai pas de regret car lorsque l'on tourne un film on est en quelque sorte dans la même dynamique qu'un cirque avec ces fabuleux artistes autour de vous. »
Vous avez eu l'occasion de déclarer que Frankenstein vous réconfortait étant enfant. Qu'est-ce que ces êtres à part comme Frankenstein, Dumbo, Edouard ont de réconfortant et d'attachant dans cette beauté un peu à part ?
« On a tous une version différente de ce qui nous touche et nous interpelle. Aujourd'hui par exemple je me sens davantage Hoffman que Frankenstein. Je change de monstre au quotidien. Lorsque l'on s'identifie à ces personnages cela ne veut pas dire que vous êtes à même de vous consoler. En tout cas des images et des symboles comme Dumbo ont de l'importance par rapport à celà. »
Quelle importance avez-vous donné au contexte de la Première Guerre Mondiale dans le film ? Le personnage de Colin Farrell en est la manifestation immédiate avec la perte de son bras.
« Je voulais vraiment présenter Dumbo comme une fable donc il n'était pas nécessaire de montrer directement la Guerre, en particulier comment Holt perd son bras ou sa femme. Lorsque l'on rencontre ces personnages on n'a pas besoin de voir littéralement ce qu'ils ont vécu et ce qu'ils ont souffert pour les comprendre. Ce n'est pas le point central. L'important est de donner ce contexte mais également de le présenter comme un écho. C'est un parallèle avec ce que vit et ressent Dumbo, à son propre parcours. »